etrecadreaveclaCFDT.fr Blog de Jean-Paul Bouchet, Secrétaire général CFDT Cadres

Syndicalisme au Soleil Levant

2200 syndicalistes réunis à Nagasaki pour le congrès international de UNI Global Union, la fédération syndicale internationale du secteur des Services. Un évènement qui ne passe pas inaperçu avec des représentants de tous les continents. Beaucoup de diversité, de couleurs, de dynamisme, de jeunesse. Des échanges très riches, de la solidarité, un accueil très chaleureux, en particulier des autorités locales nous invitant à être partout des ambassadeurs de la Paix, 65 ans après le drame qui marque encore ici à Nagasaki toutes les mémoires. De quoi regarder l’avenir avec enthousiasme, sérénité, lucidité. Le syndicalisme de demain au soleil levant. Bonne journée.

Après les délocalisations…

Des experts ne voient pas de contradiction entre délocalisation de services informatiques et maintien d’une puissante industrie informatique dans les pays occidentaux. Leur argumentaire s’articule autour de la division industrielle du travail entre conception et développement mais aussi du déficit de cadres compétents en Europe et dans les pays occidentaux. Cela est il durable ?

La montée en puissance et en compétences des ingénieurs dans les pays d'accueil ne risque t’elle pas de fragiliser cet équilibre ? Cet équilibre peut-il être maintenu tant que le marché continue à croître et qu’il reste des marchés à conquérir ? Cette analyse rejoint celle que nous avions effectuée à l’occasion du projet syndical européen "making offshore and outsourcing sustainable", dont toutes les productions figurent sur le site www.moos.project.be. Mais à l’horizon 2015 - 2020, ces analyses sont-elles toujours pertinentes ? N’allons-nous pas observer des effets de seuils ?

Le scénario de persistance de la division industrielle du travail est déjà fortement questionné et à cet horizon, il y a fort à parier qu’il sera plus que mis à mal. La montée en puissance du  cloud computing et de la disponibilité de produits et composants serviciels en ligne nous interroge encore un peu plus sur les déterminants de la localisation des activités de conception, production et distribution. La numérisation a fait disparaître les frontières et abolit les distances. La qualité et l’efficacité du processus demandeur – producteur – consommateur pourrait bien redonner de la vigueur aux critères de proximité de besoins, de services, de valeurs mais aussi de proximité géographique au moment du choix de la localisation d’activité...

L'allongement du congé maternité critiqué par la Ministre de la Famille !

Le Parlement européen vient de voter un texte portant le congé de maternité à 20 semaines, soit 4 de plus qu’en France. La réponse française ne s’est pas fait attendre : « trop cher ! ». Mais le plus étonnant sans doute est que cette réponse soit venue de la Ministre de la Famille et non de Bercy sur cet argument purement comptable et plus que discutable. Trop cher pour qui, pour l’Etat, pour la collectivité, pour les entreprises, pour les salariés ?
Mais au-delà de la question du coût, du financement de cette mesure, vous auriez pu pointer Madame la Ministre, comme l’ont fait les eurodéputés socialistes, le caractère pénalisant de ce dispositif sur les carrières professionnelles des femmes.
Toute rupture accroît les inégalités professionnelles entre les femmes et les hommes.
La CFDT Cadres entend aller plus loin et propose un congé de paternité de 8 semaines. Après tant d’échecs des lois sur l’égalité professionnelle entre femmes et hommes, une telle mesure constituerait une épreuve de vérité.
Plutôt qu’un coût, un investissement sur l’avenir que la CFDT Cadres justifie économiquement en intégrant la dimension sociétale et la contribution de tous les acteurs concernés. Car un compte d’exploitation comporte deux colonnes, Madame la Ministre !

Smartphone, attention danger

Un sondage TNS-Sofres pointe ce jour les usages du Smartphone. Voilà qui me rappelle un rapport d’étude de l’Economist Intelligent Unit sur les risques encourus par l’usage des Smartphones en entreprise. Cet organisme invite les entreprises soucieuses de prévenir les risques d’abus et de dérives à respecter 4 règles :édicter des directives précises (modes d’emplois, identification…) /  éduquer et former à l’utilisation des réseaux sociaux et de communication / déléguer la surveillance de la sécurité informatique à d’autres fonctions / développer des réseaux sociaux à usage interne.

Tout cela part d’un diagnostic de risques potentiels de dérives de la part de salariés et surtout ceux issus de la génération Y férue de technologies. La question des libertés dans l’entreprise (mal) posée une fois de plus. Car aux 4 règles préconisées par l’Economist Intelligence Unit, il en manque une et de taille : la co-construction des mesures de la prévention des risques.

Quand les entreprises comprendront-elles enfin que la méthode de la co-construction des solutions par la consultation et la négociation avec les salariés (et leurs représentants) est le meilleur levier de l’appropriation des droits et des devoirs et de l’efficacité des dispositifs mis en place par des acteurs auprès de qui tout cela fait sens ?... Si le Smartphone est le symbole du progrès technologique, la maîtrise des usages devrait être un symbole de progrès du dialogue social. L’ « intelligence économique » a encore du chemin à parcourir.

RH : la performance collective reléguée au second plan

Demain s'ouvre la 20ème édition du congrès HR, grand-messe des professionnels des ressources humaines à Paris. Cette année, la question des risques psycho-sociaux et celle du leadership sont à l'honneur.

Faisons le parallèle avec l'étude mondiale du Boston Consulting Group sur les priorités des DRH. Le top 3 des enjeux ? Le développement du leadership, la gestion des talents, le renforcement de l’engagement des salariés. Ce qui me frappe dans les deux cas, ce n’est pas tant l’approche « individus centrée » des priorités ou préconisations retenues, même si cela relègue au second plan les systèmes, les collectifs, mais surtout la recherche permanente de héros, d’Excelmen et de hauts potentiels. La performance des entreprises et des administrations n’obéirait-elle donc qu’à la seule performance de quelques individus ?

L’enquête souligne le manque d’engagement des cadres intermédiaires mais... sans en préciser les causes. Ceux que nous côtoyons tous les jours ne demandent rien d’autre que du sens, du bon sens, de la reconnaissance, des marges d’action, et l’équipement qui va bien pour manager en proximité. Je crains fort que le vaccin BCG ne soit pas le bon remède aux maux des entreprises.

Les cadres dans la rue

De nombreux cadres étaient dans la rue le 23 septembre et à juste titre. Cette réforme injuste et inefficace les concerne aussi. Un pourcentage important de cadres issus de la promotion interne a aussi commencé à travailler tôt et devra travailler plus longtemps, bien qu’ayant fait le plein d’annuités. Pour d’autres, rester dans l’emploi jusqu’à 63, 64 ou 65 ans devient un défi, y compris pour le maintien des compétences. La pénibilité ne les épargne pas non plus, elle prend souvent d’autres formes et ce ne sont pas les cadres de France Télécom qui nous diront le contraire. Cette réforme injuste pour tous est aussi inefficace pour tous. Les cadres seront aussi dans la rue le 2 octobre.

Pourquoi de bons dirigeants peuvent faire de mauvais choix

"On est tous dans le même bateau… on doit tous ramer dans le même sens". Combien de fois n’a-t-on entendu de tels propos dans nos entreprises, surtout lorsque le navire traverse une tempête économique et sociale ? Ramer dans le même sens, pourquoi pas, mais à condition que les bateaux de sauvetage soient accessibles à tous et de bonne qualité pour tous, si besoin il y a.

A condition également, si tout va bien, qu’une fois arrivé au port, le partage de la cargaison ou des fruits de celle-ci soit équitablement réparti. Mais pour être sûrs de « ramer dans le même sens » le mieux n’est-il pas de négocier avant même de quitter le port de départ les critères du partage et de la redistribution des fruits.

Prendre soin de l’équipage, n’est-ce pas le devoir de tout bon capitaine, mais également être en capacité de faire de bons choix. "Pourquoi de bons dirigeants peuvent faire de mauvais choix " titre de la page Management des Echos de cette semaine. Et un enseignement majeur sous la forme d’un conseil qualifié de simple et vital: accepter la contradiction. Encore faut-il pour cela, ne pas s’entourer de béni- oui-oui  ou d’instaurer le "management du tournesol", système relationnel en fonction duquel chacun se tourne vers le soleil, autrement dit vers le chef et refuse d’engager avec lui tout débat contradictoire, «étant entendu que le chef a toujours raison. Enfin du bon sens et rien que du bon sens.

7 septembre 2010, ne pas battre en retraite

Pendant la pause estivale, la CFDT est restée à l'écoute des salariés, des travailleurs saisonniers en sillonnant les plages du Nord au Sud, à l'écoute des stagiaires malmenés par le gouvernement en cette rentrée. A l'écoute des cadres des Fonctions publiques ; ils sont plus de 5 000 à avoir répondu à notre enquête en cours. Ils s’expriment sur les conséquences des restructurations permanentes dans toutes les Fonctions Publiques. La CFDT Cadres demeure à l'écoute des salariés et des jeunes diplômés en cette rentrée sociale difficile.

Et ce fameux 7 septembre ? « La réforme est pliée, le gouvernement ne bougera pas, à quoi bon manifester » entendrait-on ces derniers jours. Je crois qu’il y a lieu d'en douter. "Rien n'est joué" titre l'hebdomadaire de la CFDT. Le gouvernement est à la peine. Les fissures apparaissent dans la majorité. Le sentiment d'injustice et d'une réforme inefficace gagne chaque jour du terrain auprès des citoyens. Ce n'est pas une réforme des retraites qui est contestée mais cette réforme-là. Et c'est cela qu'il faut exprimer dans la rue le 7 septembre. Il faudra être à l’écoute.

6 mois de blogging

A tous les internautes qui consultent régulièrement ce blog mais aussi à toux ceux qui le découvrent pour la première fois, je souhaite vous confier combien j’ai eu plaisir à écrire ces billets depuis le début de l'année mais surtout à échanger avec vous sur leur contenu, à écouter vos réactions.

Après 6 mois de rendez-vous hebdomadaire, je dresse un bilan positif de cette forme de communication, vos réactions sont autant d’encouragements à continuer, mais là aussi, vos commentaires seront les bienvenus pour améliorer celui-ci dès la rentrée, après une période de congés bien mérités pour une grande majorité d’entre vous.

Bonnes vacances à toutes et à tous.

Equilibre économique et justice sociale, l’impossible équation ?

Entre le projet de loi et son débat à la rentrée, c'est le temps du recul avant l'action. La réforme des retraites est elle synonyme d'une impossible équation ?

La sauvegarde du régime impose l’équilibre économique dans la durée. Le degré d’acceptabilité des citoyens est fortement corrélé à la justice sociale de mesures, à l’équité des efforts à consentir. Une telle réforme ne peut obéir à une seule logique comptable s’appuyant sur un paramètre dominant, l’âge de départ, synonyme d’injustice. Ce que le gouvernement n’a pas entendu.

Elle ne peut non plus faire abstraction d’évolutions sociétales pour lesquelles un statut-quo serait synonyme de compromission de la survie même du régime. Ce que certains opposants ne veulent pas entendre.

Economique, social, aucun acteur ne peut prétendre au monopole de l’un ou de l’autre. Les réalités sont plus complexes. Question des responsabilité de tous les acteurs, une fois de plus, pour conjuguer équilibre économique et justice sociale et rendre ainsi possible cette difficile équation.

Coppé-collé à l’UMP-CGPME

Le lobbying du Medef et de la CGPME a eu raison des députés UMP et de Jean-François Coppé contre l’avis du ministère du Travail. Le  mardi 30 juin, la commission des Affaires sociales de l’Assemblée nationale supprime de l’article 6 du projet de loi sur le dialogue social dans les TPE.

Quand une promesse n’est pas tenue, c’est très regrettable. Mais lorsqu’un engagement inscrit dans le marbre de la loi n’est pas respecté par ceux-là même qui l’ont voté 2 ans plus tôt, c’est intolérable. Le même jour, je reçois une invitation du Centre des Jeunes Dirigeants (CJD) à promouvoir, avec la CFDT, le dialogue social dans les TPE-PME.

On dit souvent à la CFDT que ce n’est pas parce qu’ils travaillent dans des très petites entreprises que ces salariés doivent avoir de très petits droits. Le Medef, la CGPME et les députés UMP n’ont visiblement pas la même conception que d’autres de la démocratie dans l’entreprise.

Quand défaite = retraite (et vice versa)

La défaite des Bleus contre le Mexique en Coupe du monde de football sera sans doute synonyme de retraite anticipée pour les joueurs ? Raymond Domenech a déjà invoqué la pénibilité de la fonction !  Quand défaite = retraite...

Retraite différée, c’est la mesure-phare du projet gouvernemental de réforme des retraites. Injuste et inefficace, scandent les syndicats. Des Français partagés entre fatalisme, défaitisme et opposition, nous disent les sondages. Alors, retraite = défaite ? Mais pour qui ? L’ampleur de la participation à la manifestation du 24 juin 2010 à l’appel des organisations syndicales, apportera un élément important de la réponse.

RH et syndicats: le match des services ?

L’opportunité m’est offerte d’un dialogue en direct avec des DRH en formation pour parler avenir du syndicalisme, relations sociales, politiques RH. Au cours de cet échange informel et pleinement ouvert, une question d’un participant « ne serons nous pas demain, vous les syndicalistes et nous les DRH en concurrence sur les services à apporter aux salariés ?». Une question singulière, inattendue mais oh combien pertinente. Un syndicalisme de partenariat social du salarié tout au long de sa vie professionnelle ne pourrait il pas recouper une offre de services de DRH dans les entreprises et les administrations. Je vous laisse méditer. Une question de fond devra être traitée : qui offrira des services aux travailleurs en matière d’accompagnement des transitions faites de mobilités, de retour à l’emploi, de formation et de reclassement. Complémentarité ou concurrence ?

Travailler plus pour gagner… en équilibre de vie

Qui oserait une telle affirmation ? Sans doute pas des syndicalistes. Non, il s’agit de paroles de télétravailleurs interviewés par le cabinet OBERGO dans le cadre d’une enquête sur les télétravailleurs, leurs pratiques professionnelles, leurs retours d’expériences. Que nous disent-ils très majoritairement : « mon temps et ma charge de travail ont augmenté, mais ma qualité de vie aussi ». Il s’agit du premier enseignement fort de cette étude qualitative de terrain. Quand le travailleur place lui-même le curseur de l’équilibre entre sa vie professionnelle et sa vie personnelle, cela change tout. Cela suppose toutefois compatibilité de l’environnement familial avant tout mais aussi logistique. Ils nous précisent également que tous les salariés ne sont pas des télétravailleurs en puissance, tant certaines aptitudes et profils sont requis. Ce qui n’empêche nullement de promouvoir cette forme d’organisation du travail, ce que ne démentiront pas les auteurs de l’ouvrage « Le télétravail en France » qui vient de paraître. Ce que j’ai pas manqué de faire à leur demande à l’occasion d’une conférence consacré à cette parution à l’université Leonard -de -Vinci à la Défense le 25 mai dernier.

Entre impopularité et irresponsabilité, il faudra bien choisir

Ce n’est pas le moindre des paradoxes de voir les marchés financiers rappeler à l’ordre les Etats membres de l’Union européenne vivant au-dessus de leurs moyens et ébranler la la monnaie unique. Les marchés seraient-ils devenus responsables et vertueux ?

Le plan de sauvetage de l’euro par garantie des dettes publiques n’aura pas suffi. Il faudra aussi réduire la dette publique dans tous les Etats membres et la France n’est pas la moins concernée. Comment passer de 10% en 2010 à 3% en 2013 ? L’équation semble impossible, comme le soutiennent de nombreux quotidiens.

Difficile d’imaginer de ne pas toucher à la fiscalité et à une augmentation des impôts. Une mesure toujours très impopulaire, quelle que soit la couleur politique du gouvernement. Mais entre impopularité et irresponsabilité, il faudra bien choisir.  

750 milliards en 72 heures

750 milliards d’euros mobilisés avec le concours du FMI, c’est encore plus que le plan Paulson et ses 700 milliards pour sauver les banques en 2008. Un plan de secours qui fait flamber les marchés financiers et fait gagner 82 milliards d’euros au CAC40 en quelques heures. Des chiffres qui donnent le vertige au citoyen que je suis, habitué à regarder le bas de sa fiche de paie.

Quelques heures, 72 exactement, pour sauver l’euro. 3 jours et 3 nuits qui auront permis à la BCE de changer de stratégie et ranger de côté son dogme d’indépendance pour s’impliquer dans la mobilisation générale par rachat de la dette publique des Etats en difficulté. De la haute voltige et un virage sans précédent opéré dans l’urgence. Comme le souligne fort justement Jean-Marc Vittori, dans Les Echos, « dans le monde de la cavalerie permanente, il faut absolument un prêteur de dernier ressort ». Rien de rassurant pour autant tant il est dangereux de vivre en permanence au-dessus de ses moyens, à quelque niveau que ce soit.

Un virage également pour la chancelière Angela Merkel, contrainte d’abandonner certaines exigences, mais jouant malgré tout le jeu européen de la solidarité. Ce que Londres n’a pas fait, en refusant d’aider l’euro, au même moment où Gordon Brown se sacrifie pour sauver son parti et favoriser une alliance. Un contraste qui met en lumière que solidarité peut parfois rimer avec responsabilité. Pourvu que l’histoire s’en souvienne.

Délaisser les jeunes, un choix de société ?!

De nombreux observateurs parlent de jeunesse sacrifiée au regard des chiffres d’insertion professionnelle des jeunes diplômés et des difficultés d’accès à un stage d’études. Sans parler de l’accès futur à une retraite décente. Ils pointent le plus souvent le déficit de politiques publiques en faveur de la jeunesse. Mais les entreprises ne font guère mieux, quand il s’agit d’accueillir et d’intégrer ces jeunes diplômés. Les résultats de l’étude commandée par la CFDT Cadres à l’Apec sur ces premiers pas dans l’entreprise sont révélateurs de cette tendance : faible degré d’insertion, faible effort d’intégration. Presque un sur deux n’a pas de contact avec son manager direct au moment de l’arrivée, pas plus qu’à la fin de la période d’essai.

Quand la hiérarchie est défaillante, ce sont les collègues qui pallient, ce sont eux qui intègrent concrètement, dans les faits. Au même titre que lorsque l’Etat est défaillant, ce sont les familles qui supportent le poids de ce transfert de charges, mais aussi de responsabilités.

A l’heure où la lutte contre la précarité des jeunes diplômés patine, il est temps de contraindre durablement les entreprises (et les administrations) à mettre fin non seulement aux stages abusifs et sans embauche mais également il faut se donner les moyens d'intégrer les talents de demain.

"Le profit est la rémunération de la prise de risque et les salariés sont peu intéressés par la survie à long terme"

Lu ce matin dans La Tribune. Accrochez-vous :

« La place des actionnaires est totalement différente de celle des salariés puisqu’ils reçoivent une rémunération incertaine, le profit. Autrement dit le profit est la rémunération de la prise de risque. Et c’est précisément pour cette raison que les décisions stratégiques doivent être prises par les actionnaires, c’est eux qui subiront les conséquences des choix stratégiques. Cette cohérence a déjà été mise à mal par les lois sur les participations des salariés au capital, aux bénéfices et aux décisions… Cette participation entraîne un mélange des genres préjudiciable au bon fonctionnement des entreprises. En effet, les propriétaires des entreprises ont pour priorité d’assurer la pérennité de leurs entreprises. Les salariés, quant à eux, sont beaucoup moins intéressés par la survie à long terme ; ils ont au contraire intérêt à maximiser leurs rémunérations à court terme. S’ils peuvent d’une manière ou d’une autre peser sur les décisions stratégiques, ils risquent donc de faire valoir une logique de rendement à court terme sur une logique de création de valeur à long terme » Vous imaginez de suite que ces propos sont ceux d’un patron ultra libéral ! Non, ce sont les propos de Pascal Salin.

Les salariés qui perdent leur emploi, leur épargne et ont toutes les difficultés à rebondir apprécieront. Il ne doit pas vivre sur la même planète que nous, tant il accumule de contre-vérités.  Qu’un professeur émérite (émérite = qui a acquis une grande expérience par la pratique), chargé de former les futures élites puisse tenir un tel discours est profondément choquant pour nous qui sommes très attachés à ce levier qu’est la formation initiale des futurs décideurs pour un développement plus soutenable et plus équilibré.

Du Yes we care au Yes we can (à la française)

"Yes, we care" nous dit le Parti socialiste. Care ? un projet économique, social, écologique, centré sur le bonheur.  Qui ne rêve pas de bonheur, de bien-être, le contraire trop souvent de situations quotidiennes des salariés que nous côtoyons et représentons dans les entreprises et administrations.

"Take care", certes, il y a urgence à prendre soin. De la planète, des autres, des personnes en difficultés, de l’avenir de nos régimes de protection sociale, de retraite, etc., etc. Mais comment faire de sorte que cela ne reste pas un vœu pieux, un rêve, une utopie ? Comment en faire un projet politique mobilisateur, comment redonner du sens au mot solidarité ?

Un élément de réponse : Alain Ehrenberg (auteur de La société du Malaise) dans une interview au journal Le Monde du lundi 26 avril, apporte un éclairage intéressant. Pour dépasser la situation actuelle et redonner sens au mot solidarité, il préconise « une politique centrée sur la capacité d’agir des personnes et sur leur pouvoir de faire des choix personnels », un Yes, we can  à la française, plutôt qu’une « société du care ». Un discours qui nous va bien et un article qui vaut le détour.

L’Apec, le paritarisme, l’Etat et les cadres en fins de droits

La conclusion du plan « rebond pour l’emploi » destiné aux demandeurs d’emploi en fin de droits place l’Apec parmi les structures participant au service public de l’emploi. Il s’agit là d’une reconnaissance que la loi de 2005 ne lui accorde pas explicitement. Cependant, l’Apec quitte dans le même temps son rôle de co-traitant de Pôle Emploi pour l’accompagnement « ordinaire » des demandeurs d’emplois pour celui de sous-traitant répondant à un appel d’offre. Cherchez la cohérence dans tout cela !

Faut-il voir dans la première mesure un changement de regard de l’Etat sur les institutions paritaires ? Le fait que l’Apec dispose de réserves financières mobilisables n’y est pas pour rien : l’Etat la sollicite là hauteur de 50 M€, soit la moitié de ses réserves (et cela rappelle la situation vécue par le 1 % Logement il y a peu...). Ou bien une reconnaissance de la capacité de l’Apec et de ses équipes à mettre en place des dispositifs adaptés à la diversité des cadres demandeurs d’emploi en fin de droits.

Il faut se placer un instant dans la situation du demandeur d’emploi accompagné qui aura vécu une multiplicité d’accompagnements, et croisé de multiples accompagnants et prestataires tout au long de son parcours de retour à l’emploi durable. Quelle est la dynamique qui sous tend tout cela ? Quid du « demandeur d’emploi » au centre des dispositifs ? Il importe que la logique de l’Etat ne soit pas seulement comptable : « faire du chiffre », combler les trous de la solidarité nationale et rester dans une logique occupationnelle voire compassionnelle, ne font pas une politique.

Etat mauvais patron = cadres sans boussole

C’est au quotidien le message que les cadres des fonctions publiques ont l’impression d’entendre. « J’attends beaucoup de vous et je compte sur vous » exhorte régulièrement un directeur général des Finances publiques à ses cadres de direction. Mais, dans ce ministère comme partout, la seule stratégie affichée, c’est le départ d’un fonctionnaire sur deux quelles que soient les nécessités du service à accomplir, c’est  par exemple 3 000 à 4 000 postes de moins dans les hôpitaux de Paris et des cadres qui me disent chaque jour leur désarroi : « nous avons le désir et la volonté de « piloter, animer, expliquer ou convaincre », de jouer un « rôle évidemment essentiel….dans l’accompagnement des personnels et le management d’un  service  public rénové, mais nous aussi nous attendons beaucoup de l’Etat notre employeur ».

Les cadres et tous les agents des fonctions publiques veulent comprendre le sens des réformes qu’on leur impose, leur finalité. Ils veulent être associés à leur mise en œuvre, avoir des marges de manœuvre dans l’organisation de la rénovation et une reconnaissance y compris en termes de rémunération de leur implication quotidienne.

Au lieu de cela, aujourd’hui du jour au lendemain, par simple mail des cadres apprennent leur déplacement dans un autre service où faute de préparation, il n’y a ni bureau pour les accueillir, ni mission  précise et aucune perspective de carrière. Loyauté et sens aigu du service public ont depuis longtemps été le moteur de l’investissement des cadres.

Face à cette situation, la CFDT Cadres, avec l'ensemble des composantes CFDT concernées par le public, prépare une grande initiative pour être à l'écoute des cadres. A suivre, donc.

Notre marathon quotidien

Le calme du bureau est propice au travail en continu pendant près de deux heures en ce joli matin de printemps. Il est déjà 9 heures et temps de me rendre au premier rendez-vous de la journée du côté de Bastille, avant d’enchaîner sur une audition de la CFDT Cadres dans un groupe de travail pluridisciplinaire consacré au management et celui de proximité en particulier. Plateau repas dans la foulée et à peine le temps de partager celui-ci jusqu’à la fin qu’il est l’heure de me rendre au Ministère des Affaires étrangères où nous attend l’ambassadeur des Droits de l’homme en charge des questions d’éthique et de responsabilité pour parler de responsabilité des cadres, d’alerte professionnelle et des travaux syndicaux d’EUROCADRES et d’ UNI Global Union. Une heure et demie d’échanges à bâtons rompus et engagement de se revoir avant l’été pour prolonger ceux-ci.

Puis direction Chemin vert pour une intervention au Conseil de l’Etudiant pour parler insertion professionnelle des jeunes diplômés, accueil de stagiaires dans les entreprises et droits des jeunes qui font leurs « premiers pas dans l’entreprise » (le thème de notre prochain comité national CFDT Cadres). Il est vrai que la question est urgemment d’actualité. Trois heures de débats très riches en présence des représentants de la Ville de Paris en charge de la vie étudiante, des représentants de toutes les organisations syndicales étudiantes et diverses associations en milieu universitaire. Une occasion pour moi de rappeler l’existence des services de l’ Apec et du rôle joué par les organisations syndicales pour faire vivre une solidarité inter-générationnelle entre cadres en activités et entreprises cotisantes pour permettre l’accès gratuit aux jeunes diplômés de ces services d’information et d’aide à l’insertion professionnelle. Un rappel jamais inutile tant cela est méconnu ou inconnu des jeunes étudiants.

A l'heure où le syndicalisme est questionné sur son implication dans l'espace public, je souhaite montrer que la diversité de ses interventions nourrit l'intérêt collectif. Voilà ce qui fait courir l'acteur syndical.

Parler du travail, une idée neuve (suite)

Qu’est ce qui tue le travail ? Qu’est-ce qui ne va pas dans le travail pour en arriver à de tels dépassements de lignes jaunes ? Le syndicalisme est il appelé à renouveler son analyse et ses réponses aux salariés ?

En recevant Jean-Louis Malys, secrétaire national, le 1er avril, pour débattre avec Francis Ginsbourger, nous avons cherché à explorer des années d’expériences de recherche appliquée sur le terrain des entreprises et administrations.

Passée l’émotion suscitée par les récents drames, l’heure n’est pas à la compassion mais à la recherche minutieuse, en proximité des salariés, des solutions pour prévenir ces situations, redonner du pouvoir d’agir à tous les acteurs dans l’entreprise, y compris aux managers en charge d’organiser le travail au quotidien, en toute responsabilité, avec la formation mais surtout les moyens nécessaires à l’exercice de celle-ci. Tout un programme de travail pour ne plus tuer.

Actionnariat salarié, un match gagnant-perdant

« En proposant des actions aux salariés de mon entreprise, je suis sûr qu’ils seront plus impliqués », ces propos tenus par l’un de mes anciens patrons m’avaient fortement questionné pour plusieurs raisons. Tout d’abord, cette entreprise n’était pas la sienne, mais celle des actionnaires majoritaires qui ne possédaient pas plus l’entreprise mais la société de capital. L’entreprise était tout autant celle des salariés, apporteurs de travail, de compétences, de savoir faire…Et leur implication était avant tout liée au degré de reconnaissance de l’entreprise de leur investissement personnel. Sans compter la possible double peine en cas de naufrage, perte d’emploi et perte d’épargne. Un jeu dangereux !

Voilà donc une phrase qui concentre à elle seule bien des contre-sens.

Les exemples ne manquent pas pour illustrer combien la société de capital peut parfois jouer contre l’entreprise de salariés. L’esprit d’entreprise si cher à certains est de plus en plus souvent du côté des salariés et de leurs représentants soucieux du devenir de l’entreprise, de sa pérennité, que de celui de certains employeurs plus préoccupés par leur niveau de  rémunération ou de leurs conditions de sortie de leur … société, mais en aucun cas de leur entreprise. Un jeu gagnant – perdant.

Comment l’Apec peut-elle Rebondir ?

La CFDT est l’unique syndicat à s’opposer au projet de cession de Courrier Cadres par l’Apec, laquelle doit, dans le contexte de crise, jouer pleinement son rôle d’acteur paritaire majeur pour l’emploi des cadres.

Courrier Cadres participe de la notoriété de l’Apec. Sa cession à l’éditeur de « Rebondir » serait perçue comme un désengagement d’un organisme paritaire pour l’emploi des cadres.

 Or, les salariés ont plus que jamais besoin d’outils pour appréhender les mutations du marché, des branches professionnelles et des métiers. L’accès à l’information est un atout pour sécuriser leurs transitions professionnelles.

Comme tout service de l’Apec, le magazine nécessite une vision stratégique et industrielle à long terme : les vraies questions ne peuvent pas être débattues au regard des seuls aspects économiques du court terme mais aux enjeux des services rendus par l’Association.

Si des décisions peuvent être guidées par des contraintes externes de nature juridique, encore faut-il que celles-ci soient étayées et que toutes les solutions soient étudiées.

Au moment où s’engage une réflexion sur l’avenir du paritarisme, je réaffirme – comme je l’ai fait durant mes 8 années de mandat d’administrateur - la nécessité d’une Apec comme lieu de réelle confrontation des toutes les parties prenantes de l’emploi des salariés cadres. Mais toute confrontation est exigeante , puisqu'elle nécessite l’engagement des acteurs...

Crise globale... Un tour du monde de l'éthique

Je vous convie à un petit tour du monde pour suivre la trace du Code UNI (le syndicat mondial des services et de la communication) « d’éthique, de déontologie et de responsabilité professionnelle des cadres ». Né dans la chaleur de Singapour en août 2000, il a été diffusé, débattu sur les 5 continents. Que contient-il ? Quelques recommandations en matière de pratiques managériales mais aussi de conditions d’exercice de la responsabilité professionnelle pour mieux prendre en compte les défis sociaux, environnementaux.

Il a fait l’objet d’un lifting en mars 2008 à Melbourne lors de la deuxième conférence mondiale des professionnels et managers. Il sera présenté en avril prochain au bureau international du travail à Genève, avec une revendication phare : la protection des lanceurs d’alerte et la négociation des dispositifs d’alerte professionnelle pour éviter les dépassements de ligne jaune. Tout un programme…

Je n’imaginais pas en présentant ce Code au début de ce siècle à Singapour qu’il serait autant d’actualité quelques années plus tard, en pleine période de crises. Le syndicalisme sait parfois être visionnaire, non ?

Caroline, une première !

Richard, notre ancien rédacteur en chef de la revue Cadres est parti explorer de nouveaux horizons professionnels. Caroline est arrivée le 1er novembre 2009, pour prendre le relais et piloter la sortie du prochain numéro trimestriel en mars 2010. C’est déjà aujourd’hui ! Quatre mois pour prendre ses marques, s’intégrer dans une équipe, contacter les réseaux, les contributeurs, pas de quoi lambiner. La pression monte, un peu de stress dans les derniers jours… alors qu'il est déjà temps de penser au suivant sur le thème de … Chut, c’est une surprise.

Son premier numéro de rédactrice en chef vient de sortir des presses de l’Artésienne à Liévin pour être diffusé à près de 50 000 exemplaires. « Crises » tel est son titre, quelques dizaines de pages pour donner la parole aux témoins, aux analystes, aux syndicalistes et valoriser les travaux du colloque de l’Observatoire des cadres « Le travail et l’engagement des cadres à l’épreuve de la crise ». Nous le présenterons à la presse vendredi 2 avril.

Au Forum européen pour le développement durable et une entreprise responsable

Le 9ème Forum européen pour le développement durable et une entreprise responsable s’est tenu les 22 et 23 mars à la Maison de la Chimie à Paris sur le thème « S’engager pour une croissance durable ». Echanges, débats, retours d’expériences, ateliers « études de cas », 500 intervenants, patrons, responsables politiques, syndicaux, associatifs, experts, ont confronté leur point de vue.

L’après-Copenhague, la politique environnementale, la fiscalité verte étaient au centre des débats, mais aussi les questions sociétales interpellant la responsabilité des entreprises : l’emploi des seniors, le dialogue avec les parties prenantes, la régulation financière.

Le débat animé par l’ORSE (Observatoire de la Responsabilité sociale des entreprises) sur le thème « Impacts de l’usage des TIC et nouvelles pratiques sociales en entreprise » amis l’accent sur les nombreuses conséquences d’un usage non ou peu maîtrisé des technologies sur l’organisation du travail, la surcharge informationnelle, les risques psycho-sociaux. Des questions qui interpellent aussi la responsabilité de tous les acteurs. Henri Isaac, directeur de recherche à la Rouen Business School, Fanny Wilhelm, à la DRH de la Société Générale et moi-même ont éclairé ces questions et débattu avec la salle.

Acteur public dans le débat public, c’est aussi notre mission d’organisation syndicale et mon rôle de secrétaire général. Tout sauf une contrainte, un plaisir !

Sommes-nous satisfaits de notre management ?

C'est le titre d'une soirée débat organisée notamment par l’association des ingénieurs des Ponts et Chaussées lundi 22 mars (Les débats-Varenne). Remplaçant au pied levé François Dupuy, je dois plancher sur l'inquiétude des élites aux côtés d’un directeur général d’une entreprise du BTP. Un sujet délicat, mais passionnant. Une analyse partagée par les deux orateurs : l’inquiétude naît avant tout de l’absence de perspective à moyen terme, de la non transparence des directions qui engendre la méfiance (« on ne nous dit pas tout »), de règles du jeu non explicitées… tout ce qui fait dire à de nombreux cadres, y compris parmi les participants à ce débat « nous ne sommes pas satisfaits de notre management ». Le  message est clair et les réponses sous-jacentes. Du parler vrai, un discours de vérité, de la transparence et de la reconnaissance, est-ce si compliqué ?

Le travail à distance pour réduire le trajet domicile-travail

La distance entre le domicile et le lieu de travail n’a cessé d’augmenter ces 40 dernières années pour passer en moyenne de 3 à... 40 kilomètres. Sur les 10 dernières années, les déplacements en voiture ont augmenté de 60%. Allongement des temps de transport sont synonymes de tensions, de stress, mais aussi de pollution carbone et de dégradation de l’environnement.

Selon une étude de l’ADEME, une augmentation de 3 à 4% du télétravail en France entraînerait une baisse de fréquentation de 4% aux heures de pointe, et restaurerait la fluidité de la circulation aux heures de pointe dans les grandes villes et sur les grands axes routiers.

Et si le travail à distance permettait de limiter les distances ? télétravail au domicile, dans un télécentre, travail nomade, télétravail mixte entre l’entreprise et hors entreprise, téléconférence pour limiter les déplacements… La question des éco-mobilités et les diverses solutions à mettre en œuvre étaient débattues récemment à la mairie du 13ème arrondissement en présence de nombreux acteurs ; élus municipaux, régionaux, territoriaux, employeurs, experts et acteur syndical que je représentais.

Un constat s’impose : la réponse à l’allongement des distances est dans la … proximité… aux besoins, attentes, dans la proximité territoriale, avec tous les acteurs concernés. Le cadre règlementaire et législatif est disponible pour négocier et co-construire les solutions les mieux adaptées. Les élus locaux sont sans doute les mieux placés pour donner le ton. A suivre et de près !

Parler du travail, une idée neuve

De nombreux mois de gestation, de confrontations de points de vue, de débats mais aussi d’expérimentations, avant de coucher sur le papier, puis d’accoucher chez un éditeur, après un ultime et difficile débat sur le titre : un livre est né. L’ouvrage sort en librairie ce jeudi 18 mars.

Son auteur, Francis Ginsbourger dit de ce travail qui l’est l’aboutissement de nombreuses années de recherche action. Le post-facier que je suis ne démentira pas cette affirmation, tant je sais combien il a fallu à Francis d’années d’expériences de terrain, de proximité avec des salariés et leurs représentants, avec leurs employeurs, tant dans les entreprises que dans les administrations pour parler ainsi du travail, non pas vu d’en haut comme la terre vue du ciel, mais du dedans, avec les acteurs, ceux qui font le travail, l’organisent ou le désorganisent.

Alors, quand arrive le moment de la dédicace pour Francis et moi, c’est un pur bonheur que de pouvoir personnaliser en quelques mots le cadeau fait aux amis, aux proches, aux contributeurs, en échangeant quelques regards complices.

Au revoir, l’ami

Je me pose le temps d’une journée pour accompagner mon ami Patrick, décédé à 57 ans. Compagnon de route professionnelle à La Caixa, puis à la Banque Hervet du groupe CIC avant que celui-ci ne soit racheté par HSBC, dont il avait pris pour la région Sud-Ouest la responsabilité de l’Epargne salariale. C’est aussi l’ami personnel que j’accompagne aujourd’hui dans ce dernier voyage à Hautmont à côté de Maubeuge.

Le syndicalisme, ce n’est pas que défilés, protestations, revendications. Ce sont aussi des femmes et des hommes, bénévoles, donnant une partie de leur temps, de leur énergie, pour participer à nos activités, après une journée de travail bien remplie, ou même au prix d’un jour de RTT. Simplement par envie, par attachement à nos valeurs de solidarité, de justice sociale, de responsabilité.

Patrick était de ceux-là. A côté de son fort engagement professionnel dans le domaine de l’épargne salariale dans un groupe bancaire international, il n’a pas compté son temps et ménagé ses efforts pour nous donner un coup de main sur différents dossiers, pour affiner notre stratégie de services aux adhérents, par exemple ou pour nous représenter dans un comité paritaire dans sa région. Patrick était aussi un ami personnel de longue date, parti trop tôt à 57 ans, le 5 mars dernier. Tu nous manques déjà ! Au revoir l’ami !

Pour en finir avec les Supermen

« On passe plus de temps à remplir des feuilles Excel qu’à faire son travail », « On a l’impression de travailler pour rien », ces expressions de salariés de France Telecom reprises dans le rapport Technologia remis à la direction cette semaine sont exactement celles que nous avions entendues... il y a deux ans lors de notre travail de recherche action auprès de cadres de grandes entreprises et administrations. Une fois de plus, le système de management et l’organisation sont mis en cause. Et le cabinet Technologia de formuler diverses préconisations ou recommandations, tout comme le rapport de Henri Lachman et Christian Larose pour prévenir les risques psychosociaux, il y a deux semaines.

Mais les salariés de France Telecom comme beaucoup d’autres attendent plus que des recommandations mais de l’action et des résultats concrets. Au travail vu et analysé du dehors, nous préférons de loin le travail mieux organisé du dedans avec des acteurs responsabilisés et des managers socialement responsables.

Les directions et celles des ressources humaines en particulier sont interpellées. Si le management est en question, les réponses apparaissent parfois simplistes : il faut former les managers, revoir la formation initiale pour mieux prendre en compte ces risques. Mais attention, un risque peut en cacher un autre. On entendait hier « les managers tous RH » et on a vu le résultat. Arrêtons de les prendre pour des héros, des supermen ou des Excelmen, et donnons leur concrètement les moyens d’exercer leur responsabilité dans de bonnes conditions, de bien faire leur travail, de bien organiser le travail et de remettre du collectif là où il n’est plus question que d’individualisation. Question de bon sens, tout simplement.

Journée de la femme: si on parlait des hommes ?

L’égalité femmes - hommes a un coût, elle n'a pas de prix. Journée de la femme…si on parlait des hommes, si on parlait des pères :   pour tendre vers l’égalité, la CFDT Cadres propose de créer un vrai congé de paternité : « 2 mois pour les pères ».

Révolution ? Impossible économiquement ? Risqué ? Si nous cassions quelques représentations.

Les inégalités professionnelles  pour les cadres se fondent surtout sur  la conception du travail : disponibilité et investissement  sans réserves.  Demander un congé pour s’occuper d’un enfant, c’est acceptable pour une femme, c’est signe de  désengagement professionnel pour un homme. Si le risque de parentalité est partagé  entre les hommes et les femmes, si le congé paternité est un droit comme le congé maternité, les réactions seront différentes, les mentalités évolueront, les représentations de la disponibilité au travail  pourront changer.

Et qui paiera ? Des entreprises paient déjà en France de une à quatre semaines de plus que les congés légaux à leurs salariés  et ce ne sont pas les moins productives. Nos voisins nordiques paient jusqu’à 80% un congé paternité long et la compétitivité de ces pays n’est pas moindre. Une place de crèche, c’est un coût collectif de près de 20 000€ par an. Si le jeune enfant reste deux mois de plus au domicile parental, faites le calcul …..des fonds qui peuvent être transférés pour financer un congé de deux mois, rémunéré à 80% au minimum et  réservé aux pères.

Si le risque « parentalité » est partagé, les femmes auront peut-être enfin droit à une carrière professionnelle  équivalente à celle de leurs collègues hommes sans être suspectées de désinvestissement pour cause de parentalité. Parallèlement  la proximité des pères avec les tout petits est de l’avis de tous, un vrai plus pour l’enfant, pour le futur des  relations familiales, pour l’équilibre vie privée – vie professionnelle.

Toutes les lois sur l’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes ont montré leur inefficacité.  Un congé paternité de deux mois peut changer les mentalités et les comportements et être bénéfique pour tous. En cette journée particulière, osons changer de paradigme.

Après les délocalisations

Dans un récent article du Monde, Elie Cohen, spécialiste de l’économie industrielle, ne voit pas de contradiction entre délocalisation de services informatiques en Inde et maintien d’une puissante industrie informatique dans les pays occidentaux. Son argumentaire s’articule autour de la division industrielle du travail entre conception et développement mais aussi du déficit de cadres compétents en Europe et dans les pays occidentaux.

Mais tout cela est il durable ? La montée en puissance et en compétences des ingénieurs indiens ne risque t-elle pas de fragiliser cet équilibre ? Elie Cohen conclut en précisant que cet équilibre peut être maintenu tant que le marché continue à croître et qu’il reste des marchés à conquérir.

Cette analyse rejoint celle que nous avions effectuée à l’occasion du projet syndical européen MOOS (Managing Offshore and Outsourcing Sustainable), dont toutes les productions figurent sur le site www.moos.project.be dont un guide à usage syndical et lors de notre rencontre avec Suzan Berger, du MIT, auteur de « Made in Monde ». Mais à l’horizon 2015 - 2020, ces analyses sont-elles toujours pertinentes ? N’allons-nous pas observer des effets de seuils ?

Le scénario de persistance de la division industrielle du travail est déjà fortement questionné et à cet horizon, il y a fort à parier qu’il sera plus que mis à mal. La montée en puissance du « cloud computing » et de la disponibilité de produits et composants « serviciels » en ligne nous interroge encore un peu plus sur les déterminants de la localisation des activités de conception, production et distribution.

La numérisation a fait disparaître les frontières et abolit les distances. La qualité et l’efficacité du processus demandeur – producteur – consommateur pourrait bien redonner de la vigueur aux critères de proximité de besoins, de services, de valeurs mais aussi de proximité géographique au moment du choix de la localisation d’activité . Après les délocalisations…

Etat cherche high pots

François Fillon vient de poser les bases dans la Fonction Publique d’un système destiné à détecter et former les hauts potentiels, à l’image de ce qui se pratique couramment dans le privé. Les détectives devront à partir du 1er mars repérer les 2 à 3000 cadres supérieurs, éligibles au processus d’accession aux 500 postes les plus élevés. Il précise les objectifs de décloisonnement pour renforcer la diversité des parcours (y compris en dehors de son corps d’origine), de fidélisation par la carotte financière des indemnités de performance et les modalités permettant aux hauts potentiels de « gagner en épaisseur », mais ne s’étend pas sur les critères de détection et dévaluation des étoiles montantes. Les systèmes de reproduction des élites ont fait l’objet de nombreuses analyses critiques ces dernières semaines. Si le nouveau dispositif permet d’éviter la consanguinité et les petits arrangements entre amis, alors, ce sera un pas en avant. Wait and see, donc.

On sait aussi désormais avec certitude que ce qui vient du privé n’est pas toujours transposable. Les modèles classiques de management de la performance par exemple, ne sont plus adaptés aux enjeux sociétaux. C’est de performances au pluriel qu’il faut parler désormais : économique, sociale, environnementale… et de capacités à manager dans des univers de plus en plus complexes et multi parties prenantes. La société a plus que jamais besoin de hauts potentiels répondant à ces exigences, qui dépassent largement la seule question de la réorganisation de l’Etat.  Je suis impatient d’observer la suite !

Les indemnités de départ à la retraite...

... sont dans le collimateur du Ministre du travail, Xavier Darcos. Mais plus précisément les entreprises qui, via un plan social, un licenciement économique ou une rupture conventionnelle, se débarrassent de leurs salariés de plus de 60 ans, ne pouvant plus les mettre à la retraite d’office avant 70 ans depuis la loi de financement de la Sécurité sociale de 2009. Quand, en plus, ces entreprises multipliant les excès, sont en bonne santé financière, cela lui serait encore plus insupportable. Le jeu des exonérations de charges sociales et fiscales pour les entreprises et les salariés constitue un effet d’aubaine. Tout cela sur le dos des contribuables, ce que le Ministre du travail trouve tout aussi insupportable…

Le premier responsable de cette situation est le gouvernement lui-même et sa majorité qui, dans un combat très idéologique pour « libérer le travail » a fait sauter tous les verrous et un maximum de contraintes… pour mieux en retrouver d’autres sur le terrain fiscal. Mais quand prime l’idéologie, on oublie vite les principes de réalités… qui vous rattrapent toujours un jour.

Dénonciation ou alerte responsable: les entreprises doivent choisir

Délation ! Vichy ! Collabo ! Les mots sont durs dans la bouche des salariés pour dénoncer les excès et abus constatés lors de la mise en place de système d’alerte dans des filiales de sociétés américaines implantées en France, résultant d’une obligation légale suite à la loi américaine Sarbannes-Oxley.

Une bonne négociation vaut cent fois mieux qu’un mauvais procès. Au-delà des vices de formes, de procédures, c’est bien la finalité même du système d’alerte qui est en question et la méthode de déploiement. Les patrons ne pouvaient pas s’y prendre plus mal pour discréditer pour longtemps toute démarche responsable de prévention des risques.

Ces systèmes sont parfois dénommés « alerte éthique », parfois « whistleblowing », ou encore « alerte professionnelle ». Mais une même appellation peut cacher des réalités bien différentes. Quoi de commun en effet entre la possibilité via Internet et un logiciel en ligne de dénoncer son petit collègue qui (de votre point de vue) abuse de ses temps de pause pour aller en griller une ou surfer sur le Net au boulot à des fins personnelles et une alerte de sa hiérarchie sur un risque écologique majeur de pollution chimique de la rivière voisine en raison d’une fuite que vous avez-vous-même constatée. Le jour et la nuit, sans doute, mais quand les mêmes outils vous permettent les deux, sous la même appellation, la confusion est totale. Les salariés et leurs représentants CFDT au Comité d’entreprise de Benoist Girard à Caen, une entreprise filiale du groupe américain STRYKER, ont saisi le tribunal de grande instance qui a fait arrêter le dispositif au motif du non respect de la loi Informatique et Liberté du 6 janvier 1978.. Dans une autre affaire, c’est la Chambre sociale de la Cour de cassation qui a jugé illégal le dispositif d’alerte professionnelle déployé chez Dassault Systèmes.

Nos propositions CFDT Cadres sont plus que jamais d’actualité. C’est bien d’abord de responsabilité professionnelle dont il est question et de systèmes permettant de l’exercer dans de bonnes conditions. A la place de cela, nous assistons à des actes irresponsables.

A l’école de la deuxième chance, comme un poisson dans l’eau

Océarium du Croisic en Loire-Atlantique, un samedi soir vers 18h, un énorme bassin de centaines d’hectolitres où circulent des requins blancs, en toile de fond. Mais non, je ne vous parle pas de ma vie privée, ni d’une visite de week-end en famille, mais d’une séance très officielle de remise de diplômes de fins d’études du Cesi, le Centre des études supérieures et industrielles. Le vice-président du groupe Cesi que je suis, a l’honneur de remettre à une trentaine d’élèves, le précieux papier sanctionnant positivement des semaines, des mois ou des années d’études, selon les filières. Un soulagement pour nombre d’entre eux, un plaisir partagé avec les familles, avec les proches, qui ont consenti de nombreux efforts également. Les sourires qui éclairent les visages en disent long sur la joie des diplômés, jeunes et moins jeunes.

Car le Cesi, c’est aussi « l’école de la deuxième chance », pour ceux qui n’ont pas eu l’opportunité de poursuivre leurs études pour diverses raisons, souvent financières. Pour moi qui ai stoppé mes études à Bac + 2 pour les reprendre quelques années plus tard en formation continue diplômante, cette formule me parle bien. Je comprends d’autant mieux cette joie et ce bonheur.
Heureux comme des poissons dans l’eau.

Peut-on mesurer le temps de travail hors travail ?

A quand une étude sérieuse sur l’utilisation des technologies mobiles à usage professionnel en dehors du bureau et des plages horaires classiques ? Il serait très intéressant d’examiner le solde du compte d’exploitation des usages à caractère non professionnel au bureau et à caractère professionnel en dehors de celui-ci. Solde créditeur ou débiteur pour qui ? A vous de répondre. 

« Réalité de l’utilisation du web au bureau », le titre d’une récente étude de l’entreprise OLFEO, spécialisée dans la sécurité sur Internet. Quelques chiffres tout d’abord : le taux de pénétration du web en entreprise est supérieur à 90% ; depuis 2004, l’utilisation d’internet au bureau a progressé de 77% ; 86 minutes par jour, c’est le temps moyen quotidien passé sur internet au bureau en 2009, dont 58 minutes à usage non professionnel (67%) et 28 à usage professionnel, selon cette étude. Les auteurs en concluent mathématiquement que 29 jours par an sont consacrés à un usage non professionnel et qu’en conclusion, je cite « les salariés n’ont plus 5 semaines de vacances mais 9, le temps perdu par l’usage non professionnel d’internet représente une perte de productivité de 13,8% et coûte 2,82 fois le salaire d’un collaborateur par an ». Il fallait oser ce type d’extrapolation et de démonstration peu scientifique. Plus aucun doute sur ce que vend cette entreprise.

Nous savons tous que les salariés et les cadres en particulier utilisent les moyens technologiques pour un usage professionnel au domicile, à l’hôtel, dans les transports en commun et parfois fort tôt ou fort tard le soir, il suffit d’observer autour de soi dans un TGV. Ce temps là n’est jamais comptabilisé, les 11 heures de repos consécutifs sont loin d’être une réalité pour nombre d’entre eux et les jours de RTT destinés à compenser ce fort investissement professionnel pour ceux en forfaits jours ne sont pas toujours pris, viennent parfois alimenter un compte épargne temps quand ils ne sont pas perdus.

Le syndicat pour les cadres ? La CFDT numéro 1

Jamais le syndicalisme n’a eu autant besoin de rassembler toutes les catégories de salariés dans l’intérêt de tous les salariés et de toute la société. Les cadres et managers sont toujours plus nombreux. Une réalité à contre-courant du discours ambiant sur la banalisation, voire sur la fin des cadres, cette « spécificité française, au seul regard d’un statut jamais écrit ». Si fin du statut il y avait, cela ne signerait en rien la fin d’une identité professionnelle.

Avec 23,40% des voix des cadres du privé et des fonctions publiques, comme nous l’expliquons dans un argumentaire militant, la CFDT est la première organisation syndicale chez les cadres.

Les travaux de recherche menés sur l’engagement des cadres dans le syndicalisme relèvent une proximité de valeurs entre les cadres et la CFDT. L’ancrage dans l’action, les résultats obtenus et le pragmatisme singularisent une action syndicale CFDT, dans laquelle les cadres se reconnaissent. Un exemple emblématique : la mise en place du forfait jours pour les cadres. La CFDT a été la seule à le vouloir. Principe de réalité et de proximité avec des réalités professionnelles ! Comment éviter de travailler près de 50 heures en moyenne en toute illégalité et sans compensation ? Dix ans après, et malgré les nombreux coups de butoir, les RTT tiennent bon. La CFDT défend ce deal unique en Europe « la juste compensation d’un fort investissement au travail. Notre slogan « Les cadres ne comptent pas leurs heures, ils comptent leurs jours » a fait mouche.

La CFE-CGC, qui tient son congrès du 17 au 19 février, compte la moitié de non cadres parmi ses adhérents. L’appellation « confédération des cadres » ne correspond donc pas à une réalité. L’autre appellation « d’organisation catégorielle » dont la légitimité a été reconnue par les nouvelles règles de représentativité ne tient pas plus la route dès lors que plusieurs catégories y sont représentées et que cette même organisation n’hésite plus à présenter des candidats dans tous les collèges aux élections professionnelles en entreprise.

La CFDT a fait un choix explicite de ne pas isoler les cadres dans un syndicalisme catégoriel. Elle s’est dotée d’une organisation transversale rassemblant les cadres de catégorie A des fonctions publiques et des conventions collectives du secteur privé. Il n’y a pas d’ambiguïté, mais une grande diversité de situations professionnelles entre cadres producteurs, experts, managers, ingénieurs… Salariés à part entière, mais à forte identité professionnelle, et donc pas tout à fait comme les autres !

Le syndicalisme ne se limite pas à des généralités. L’heure est à la proximité avec le travail et l’entreprise. Et donc avec les professionnels et les managers. Plus que jamais, le syndicat pour les cadres, c’est la CFDT.

Journées parlementaires de Belleville : "le travailler plus pour gagner plus ne fonctionne pas"!

Non, il ne s’agit pas de l’Assemblée nationale mais de deux journées de débats et d’échanges au sein du "parlement" de la CFDT : le Conseil national. Quelques 200 représentants de toutes les structures de la CFDT, confédération, fédérations professionnelles, régions interprofessionnelles et  organisations transversales, réunis pour débattre de l’actualité, des négociations en cours, des initiatives prises ici et là pour faire face à la crise. Un temps de démocratie interne, un espace de confrontation, de construction des positions de la CFDT sur les dossiers d’actualité. Une opportunité de faire entendre la voix des cadres dans une organisation qui rassemble toutes les catégories de salariés, ce qui en fait sa richesse. Philippe, collègue du Secrétariat national de la CFDT Cadres ne s’en est pas privé. Extraits :

« Nous faisons le constat de l’échec des politiques d’individualisation des rémunérations poussées à l’excès qui ont servi à réduire les enveloppes à distribuer, à creuser les inégalités salariales et à multiplier incompréhensions et frustrations. Opacité et arbitraire des mécanismes d’appréciation et de décisions, des grilles d’analyse des performances, déconnexion entretien appréciation et évolution de la rémunération, démotivation en cas d’échec, comportement individualiste exacerbé, jalousie… Cette liste consacre l’échec de la méritocratie puisque celle-ci n’est pas assumée. Le secret l’emporte sur la mise en valeur des « meilleurs ». Le saupoudrage est utilisé pour corriger les excès de la méthode et pour entretenir la motivation et la cohésion des équipes. Depuis qu’il existe, le dispositif n’a pas fait la preuve de son efficacité managériale et économique. Les salariés ne sont pas plus efficaces et pas plus motivés. En cette période de crise et de diminution des parts variables, beaucoup de salariés en viennent à redemander des augmentations collectives garantes d’une plus grande cohésion des équipes et une répartition de la valeur ajoutée plus équitable. Le travailler plus pour gagner plus ne fonctionne pas ; le travailler très bien pour gagner plus ne fonctionne plus, les packages ont donné l’illusion de gagner plus, ils n’ont conduit qu’à une autre répartition des compartiments d’une enveloppe fermée. »

Tout cela peut vous paraître implicite mais cela va tellement mieux en le disant parfois, alors pourquoi s’en priver ?!

Code de bonne conduite ou droit de grève ?

Même le « gendarme » de la Bourse, Jean-Pierre Jouyet, président de l’Autorité des marchés financiers, chargée entre autres du suivi de l’application des codes de gouvernement d’entreprise ne cache plus son agacement. « Ces codes visiblement ne suffisent plus » livre t-il dans Les Echos du 29 janvier dernier, en faisant référence au code Afep – Medef sur les rémunérations des dirigeants d’entreprises (cotées en Bourse) et la gouvernance. Le débat « contraignant – non contraignant, loi ou pas loi, réglementation, norme ou code de bonne conduite » n’a pas fini de faire couler de l’encre. Force est de constater que lorsque le patronat a demandé du non-contraignant, les faits ont largement démontré sa capacité à exercer son droit de grève. Lorsque cela est devenu trop voyant, il lui a fallu trouver un autre subterfuge, la démonstration par l’image positive et l’affichage d’un code de bonne conduite et de patrons enfin responsables.

 

Comme le souligne régulièrement la CFDT Cadres, la responsabilité n’est pas un objet d’image mais un principe d’action. Et quand l’action ne suit pas les bonnes intentions, la tentation est grande pour les pouvoirs publics, voire pour les autorités de régulation, de revenir à la loi, au cadre législatif ou règlementaire contraignant, alors qu’il semblerait qu’une voie médiane pourrait être trouvée entre la règlementation à tout prix et la dérégulation totale : celle d’une régulation constructive, objective et cordonnée avec l’ensemble des parties prenantes, et notamment des entreprises.

 

Et si le contrat d’engagements négocié constituait la voie à privilégier pour produire des résultats concrets ? Dés 2004, dans un article intitulé « Des exigences éthiques aux engagements contractuels » publié pour la revue Entreprise éthique, je soulignais la responsabilité qui est la nôtre :

 

« … Pour l’organisation syndicale que nous sommes, soucieuse de faire progresser les pratiques socialement responsables dans les entreprises, la responsabilité sociétale de celles-ci vis à vis de leur environnement, nous souhaitons privilégier la voie de la négociation collective et la contractualisation d’engagements réciproques, la seule qui puisse autoriser et surtout organiser le nécessaire contrôle des engagements pris de part et d’autre, par les parties prenantes intéressées…. Contrôle interne ou contrôle externe suivant les parties en présence et la nature même des engagements, dans les deux cas, ce n’est plus l’individu qui est en première ligne mais les collectifs concernés, les représentants des parties prenantes. Cette démarche engage la responsabilité des parties signataires des engagements et est de fait beaucoup plus exigeante…. La démarche de contractualisation, outre ses vertus pédagogiques d’appropriation par les acteurs et d’instauration d’un véritable dialogue a le mérite de prévoir la nature des engagements des parties et les modalités de contrôle de ces engagements… ». (1)

 

Des exigences éthiques aux engagements contractuels, il y a effectivement un pas important à franchir, pour passer de la figure du héros au processus collectivement négocié de construction des contre-pouvoirs. Créer les conditions pour ce faire, c’est bien aussi là que l’on attend l’autorité politique.

 

(1) JP Bouchet, Des exigences éthiques aux engagements contractuels entre parties prenantes, Entreprise Éthique, Dossier n°21 octobre 2004 Comment réussir vos partenariats éthiques ?

Industrie, des Etats Généraux aux actions particulières

« Privilégier les aides de l’Etat aux PME qui innovent et créent richesses et emplois», « renforcer la spécialisation française sur le haut de gamme », « mettre le cap dans les régions sur la recherche, l’enseignement », qui ne partage pas ces préconisations pour l’avenir de l’industrie française ?
 Surement pas mon ami Jean-Philippe, patron d’une TPE d’une trentaine de salariés dans le secteur high-tech en région Pays de  la Loire. C’est tout ce qu’il aurait souhaité mais qui n’est jamais arrivé. Et pourtant, l’activité de son entreprise est des plus innovantes et s’appuie sur une stratégie de niche (la modélisation de systèmes complexes et l’ingénierie des ponts sémantiques), elle crée de l’emploi, fait vivre des partenariats avec des laboratoires de recherche, prend sa place dans un pôle de compétitivité. Que faut-il faire de plus pour être soutenu, accompagné financièrement dans sa croissance et son développement ?

Au moment clé d’un changement de braquet conditionnant la signature d’un gros contrat de partenariat avec un géant de l’informatique, les capitaux font défaut du côté des relais financiers de l’Etat, du côté des banquiers, plus frileux que jamais (on doit approcher d’une période de glaciation) et même du private equity, sans doute aussi refroidi par de moindres rendements financiers. Le monde à l’envers.  De quoi nourrir un peu d’angoisse mêlée d’amertume quand dans le même temps, les lobbies de quelques fauves du CAC 40 ont raflé la mise des aides gouvernementales, quand ce n’est pas bénéficié de crédit impôt recherche sans exigence de contrepartie sur la création de richesses et d’emploi. Cela commence à friser le scandale.

Je m’interroge à partir de cet exemple sur la qualité et la pertinence des relais financiers et des soutiens aux investissements. Puisque les acteurs classiques n’osent plus ou ne prennent pas ou plus de risques, n’est-ce pas du côté du puissant partenaire intéressé par la technologie de cette TPE qu’il convient de trouver le levier de financement d’une augmentation de capital et d’accompagnement de croissance. Tout le contraire bien sûr d’une OPA hostile, avec un retour sur investissement ne reposant pas exclusivement sur une logique purement financière comme pour un LBO par exemple, mais bien sur une compétitivité accrue et  hors coût, liée à la création de produits et services innovants, de métiers émergents et donc de richesse et d’emploi. Une autre approche du gagnant – gagnant, inscrit dans une relation durable, un développement soutenable.

Il est décidément grand temps de passer des Etats Généraux aux actions particulières et pertinentes dans l’intérêt de toute la société et pas de  quelques-uns.

Enseignements de la crise / La crise de l'enseignement

« Je ne m’imaginais pas avoir des cours aussi formatés sur la libéralisation financière, comme si rien ne s’était passé et que les certitudes sur les bienfaits du marché restaient les mêmes », ainsi témoigne Aurélien, inscrit en master à Dauphine, dans Libération du 25 janvier 2010. Aurélien estime que la crise aurait du « bousculer la manière d’enseigner l’économie ».

Son souhait rejoint le nôtre, celui de notre réseau international Iresca (Initiative pour la responsabilité sociale des cadres) et de nos partenaires représentant les employeurs, les ONG, le monde académique. Mais faire évoluer les cursus prend du temps au gré du renouvellement des contrats, liant l’Etat et l’université. Et les résistances au changement sont nombreuses.

La formation initiale des futurs chefs de projets, managers, décideurs est plus que jamais questionnée par les défis sociaux, environnementaux et sociétaux. De nombreuses écoles ont déjà engagé une démarche visant à mieux prendre en compte le développement durable, la responsabilité globale des acteurs dans leur programme de formation. Mais cela reste encore très insuffisant. L’urgence de certains défis impose une plus forte réactivité, une plus forte mobilisation de toutes les parties prenantes et un déploiement à grande échelle.

C’est bien notre modèle de croissance, de développement qui doit être repensé ; cela interroge les systèmes de gestion, de pilotage et de gouvernance des entreprises (et administrations,). Ainsi que les modèles de management et les processus de prise de décision. Bien au-delà donc des questions d’éthique personnelle, d’éthique des affaires, de déontologie et de responsabilité professionnelle progressivement intégrées dans les cursus de formation initiale et continue.

Des grands patrons qui s'engagent... Mais que dit le Medef ?

« Favoriser une meilleure prise en compte du long terme dans l’entreprise », « repenser la relation entre la sphère publique et l’entreprise », « renouveler la contribution de l’entreprise à la cohésion sociale », « redéfinir le rôle du manager »... Mais qui donc parle ainsi ? Une organisation syndicale dans l’élaboration de sa plate-forme revendicative ? Ma propre organisation, la CFDT Cadres, dans un rapport d’orientations ? Rien de cela ! Il s'agit d'un think-thank patronal, l’Institut de l’entreprise, auteur de 4 rapports portant ces intitulés ci-dessus.

L’entreprise de demain serait-elle donc si différente ? La crise aurait-elle contribué réellement à une prise de conscience sur la nécessité d’un autre modèle de développement ? Ces propositions de 8 patrons français marquent-elles la volonté de l’ensemble du patronat ? Si c’est au pied du mur que l’on reconnaît le maçon, alors, c’est à l’épreuve des faits que nous reconnaîtrons l’entreprise socialement  responsable, prenant soin de son environnement, de la sphère publique et de son management.

Nous savons bien qu’entre le discours et les actes, il y a a parfois de la distance, un « grand écart » nous avaient dit les 1500 managers interrogés en 2008 par l’IRESCA, sur les comportements de leur entreprise vis-à-vis de leur environnement au regard de leurs discours. Comment réduire celui-ci ? Les propositions adoptées au congrès de UNI Cadres à Melbourne en 2008 portant sur les 10 conditions d’exercice de la responsabilité professionnelle des cadres et managers pour mieux prendre en compte les défis sociaux, sociétaux et environnementaux, pourraient bien constituer une réponse pertinente.

Le président d’IBM France et le PDG de la RATP préconisent dans le rapport sur le rôle du management de revaloriser et renforcer les pouvoirs du manager intermédiaire. Chiche ! Nous sommes prêts à la CFDT Cadres à en discuter avec eux, à condition préalablement de bien se mettre d’accord sur la finalité de l’exercice : renforcer le pouvoir d’action socialement, sociétalement responsable, de ces managers de proximité au travail, à l’activité, au métier. Question de cohérence, tout simplement. Lorsque des grands patrons s'engagent ainsi, nous attendons une réaction du Medef. Car c’est bien au pied du mur…

Après le lean management, le clean management, puis…

« Le lean management ou l’art japonais de l’efficacité », titrait la Tribune le 25 janvier. Un modèle de management sensé améliorer LES performances de l’entreprise, en faisant la chasse aux gaspis, analysant les processus de l’entreprise pour supprimer la non valeur ajoutée… et au bout du bout contribuant à plus de rentabilité.

Si la rentabilité consacre la performance économique et financière, je m’interroge sur LES performances dont il est question dans le lean management ? De quelles performances peut-il bien être question : performance sociale (comme le bien-être au travail), performance  environnementale (comme la réduction des émissions de gaz à effet de serre) performance sociétale (en contribuant à l’insertion professionnelle des personnes handicapées par exemple).

Je crains de ne rien avoir vu de tout cela dans les différents ouvrages traitant du lean management ou supports de présentation vantant les mérites de ce « modèle » de management, comme ont été vantés hier les mérites du Business Process Reingeneering (BPR). Modes et modèles véhiculés par les cabinets de conseil et de management… A quand le clean management pour nettoyer tout ce qui est en trop, tout ce qui dérange ?

Et si le management durablement responsable s’imposait enfin dans l’entreprise pour faire face aux nombreux défis économiques, sociaux et environnementaux, nul doute que les cadres y puiseraient un sens à leur engagement professionnel et disposeraient de meilleures conditions d’exercice de leur responsabilité.

Le patronat sous élevage consanguin

« Changer la gouvernance » ! L’expression revient de façon récurrente dans les discours et les publications depuis quelques mois pour parler de l’après-crise. En jeu : la nécessité de tirer les enseignements des erreurs du passé et des défauts de régulation. Je martèle pour ma part que l’absence de contre-pouvoirs a conduit à aux crises que nous vivons. Des crises imbriquées : financière, économique, sociale, sociétale. Changer la gouvernance… Comment ne pas souscrire à cet objectif, certes, mais comment y parvenir concrètement ?

Si la qualité d’un modèle de gouvernance s’évalue à l’aune de l’équilibre des pouvoirs, de la complémentarité des compétences, des expertises et de la diversité des acteurs, alors la marge de progrès dans les conseils d’administration (CA) des entreprises du CAC 40 ou du SBF 120 est… con-si-dé-rable.

La cooptation organisée conduisant à la consanguinité des membres des CA peut engendrer bien des malformations. Attention, danger ! Il faut de la diversité, de la pluridisciplinarité. Bref, des contre-pouvoirs organisés et professionnalisés. En ce sens, la CFDT Cadres appuie tout contrat d’objectif pour favoriser l’accès des femmes aux postes de gouvernance.

 
A l’heure où démarre en France une négociation sociale sur le paritarisme, ce singulier modèle de gouvernance conduisant à partager le pouvoir de gestion - voire de négociation à parité entre les représentants des salariés et ceux des employeurs - il me semble que les acteurs économiques et sociaux seraient bien inspirés de dresser un bilan de ce modèle pour repenser plus globalement la gouvernance des entreprises. Plus qu’un choix de gestion, il s’agit bien avant tout d’un choix politique, qui doit satisfaire les exigences énoncées plus haut.

Proglio : double casquette, double salaire. Et double jeu

Henri Proglio remet au devant de la scène la question de la rémunération des dirigeants. Une double casquette qui justifierait un double salaire que Christine Lagarde avait dans un premier temps refusé. Volte face cette semaine, en expliquant que le cumul à hauteur de 2,05 millions d’euros (soit 450 K€ de plus tout de même que la rémunération précédente (augmentation dit en passant, sans commune mesure avec celles des autres employés) reste inférieur à la moyenne des patrons français (3,6 millions) et très loin derrière celle de Bernard Arnault (LVMH) à 16,8 millions d’euros.

Si Monsieur Proglio s’est octroyé un double salaire, force est de constater que ce gouvernement a joué un double jeu. Il joue également un double jeu en s’indignant d’un côté, comme pour marquer sa proximité avec le ressenti d’une grande majorité de citoyens qui trouvent cela indécent, et en maintenant, de l’autre, le bouclier fiscal.

Mais surtout, il fait un aveu d’impuissance, sa capacité d’indignation ne se transformant nullement en capacité d’action ; mais peut-il vraiment agir, plafonner les rémunérations comme le souhaitent certains ?

A défaut de pouvoir agir sur ce terrain, il pourrait créer par la loi les conditions d’une meilleure régulation et d’un meilleur équilibre des pouvoirs dans l’entreprise. En renforçant la place des représentants des salariés dans les conseils d’administrations et au sein de ceux-ci dans les comités des rémunérations. Cela doit être possible puisque vient d’être accepté son projet de loi de 40% de femmes dans les conseils d’administration. Décidément, quel double jeu.

Nos propositions en matière de gouvernance des entreprises n’ont jamais été autant d’actualité.

Les cadres attachés aux RTT

Confusion. On entend à la fois que les cadres seraient « les grands gagnants de la RTT » mais que les cadres en forfait jours subissent une augmentation du stress et le non paiement des heures effectuées au-dessus des 35 heures. Et qu’il faut renégocier par branche une loi qui aurait été appliquée de la même manière à tout le monde… Un contraste qui a de quoi vous laisser perplexe. Personnellement, j’ai du mal à comprendre.

Hier, dans le journal Les Echos, Eric Albert exprimait « c’est un mode de management que de provoquer la surcharge » et soulignait combien « l’obésité chronique de la « to do liste » empêchait de dégager du temps de réflexion, de recul, d’oxygénation. Un temps plus que jamais indispensable pour les cadres, les managers, la tête dans le guidon, un besoin d’équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle. Cela explique sans doute pourquoi ils se disent si attachés à cette compensation de leur fort investissement que sont leurs jours RTT. Un message que nous avons bien entendu à la CFDT Cadres.

Première organisation syndicale chez les cadres, la CFDT entend promouvoir un syndicalisme d’écoute, de proximité et de résultats. Loin du débat politicien, l’enjeu à l’heure de la crise est bien d’apporter des réponses concrètes et adaptées aux salariés, en partant de leurs réalités professionnelles.