3 questions croisées à Claudie Paillette (Sgen) et Martine Flacher (Finances).En tant que managers et responsables CFDT dans deux secteurs aussi différents que l’Education nationale et la Direction des Finances publiques, quelles sont vos constats sur les conditions de travail des cadres publics ?
D’un champ professionnel à l’autre, les cadres publics partagent des préoccupations : celui du fort isolement ressenti. C'est aussi leur difficulté dans la conduite du changement : source d’inquiétudes parce qu'ils ne la maitrisent pas et qu’ils sont peu associés aux processus de décisions. Et plus l’établissement public est de taille restreinte, plus cette tension est forte. Un cadre administratif dans un grand ministère aura la possibilité de nouer des échanges informels, alors qu’un cadre dans établissement scolaire, par exemple, se sentira dans entreprise moyenne. Dans l’Education nationale, la complexité est renforcée par la double ligne hiérarchique : la ligne experte de l'inspection et la ligne administrative de la hiérarchie fonctionnelle représentée par le chef d'établissement.
Quelles sont les conséquences de cet isolement des managers publics ?
La difficulté de parler de performance et d’objectifs sera d’autant plus grande que la bulle est petite… Comment peuvent-ils conduire le changement dans des structures très isolées, qui manquent de transversalité ? On est toujours dans cette contradiction où l'on demande des compétences managériales aux cadres, sans leur donner accès réellement aux formations... C’est la formation sur le tas. Pas forcément mauvaise, mais si peu accompagnée. Le cadre public manage seul. Autant de difficultés qui peuvent engendrer beaucoup de souffrance au travail, qui elle n'est que rarement reconnue en ce qui concerne les cadres de proximité.
Quelles sont les leviers que vous défendez devant cette situation de solitude et de tension ?
La CFDT soutient la mise en place d’espaces de dialogue professionnel. Une pratique très peu répandue et expérimentées au ministère des Finances. Cette démarche est transposable dans d’autres milieux professionnels. Elle nécessite un fort engagement de la hiérarchie. Les agents bénéficient de réunions ou ils peuvent parler de leur métier. La mise en œuvre d’espaces de dialogue professionnels au sein même des établissements peut être un moyen de régulation du quotidien et un mode de coopérations sur les conditions de vie au travail. C’est toute l’articulation entre dialogue professionnel et dialogue social qui met en évidence le rôle de cadre de proximité. Lutter contre l’isolement, déficit de formation, favoriser les temps de concertation, le positionnement de l’adjoint…Autant d’interrogations auxquelles le syndicalisme doit répondre et venir en soutien aussi bien de manière collective que dans sa capacité à prendre en compte l’individu.
photo : L Pateyron
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